CHAPITRE 5 LES 12 TRAVAUX D’ALEC JOUR 2 : ALEC ET LA DEESSE DE LA MOISSON

Alec après sa première journée préparatif avec Héphaistos, il va rencontrer une autre divinité ce jour là. Merci à @nathalie pour la correction :)

Le sommeil d’Alec cette nuit-là fut particulièrement apaisant. Certes, il ne se souvenait pas forcément s’il avait rêvé ou non. Malgré tout son réveil, il était pleinement revigoré, au point de sauter à pieds joints de son lit pour se diriger allégrement et en sifflotant vers la salle de bain. Il se réjouissait déjà à l’idée de la douche brulante qui l’attendait.  

Passant devant la porte d’entrée, il entendit que l’on toquait si légèrement que le bruit en était presque inaudible, ce qui intrigua particulièrement le jeune Gardien. Il ouvrit très doucement la porte et à son grand étonnement, il ne vit personne.  

De bonne humeur, il se dit qu’il avait sûrement révé. Il haussa les épaules et reprit sa sarabande en reprenant la chansonnette qui sifflait quelques secondes plus tôt.   

La douche lui ouvrit l’appétit et c’est en repassant devant la porte d’entrée pour se diriger cette fois-ci vers la cuisine, qu’il entendit à nouveau tapoter.  

N’étant pas du genre à se faire avoir deux fois, il ouvrit brusquement la porte : Toujours personne ! Du moins dans son champ de vision. 

En effet, Alec n’étant pas connu pour sa patience, celui-ci se mit à tempêter contre le farceur qui était en train de se jouer de lui en jouant avec sa porte d’entrée.  

« Si c’est une blague, ce n’est vraiment pas drôle », hurla-t-il en claquant la porte. Le tapotement reprit un tantinet plus fort. Alec, rouge de colère, saisit la poignée comme s’il était déjà en train d’écraser dans son poing l’inopportun qui se jouait de lui. Il ouvrit la porte avec violence, prêt à en découdre.  

Cette fois-ci, il entendit une voix :  

« Je suis là, en bas de toi ! »  

Un homme de toute petite taille car il était à peine plus grand que le tibia du Gardien, se trouvait en effet sur le péron. Alec le regardait avec les yeux écarquillés, car il n’avait jamais rencontré de tels personnages, bien qu’Hermès lui en ait déjà parlé, lors des soirées de son enfance qu’il avait partagé avec son frère Byron. Des bribes de souvenirs concernant les derniers pygmées présents sur l’Olympe, des créatures tellement petites que très peu de personnes les voyaient, mélangés à l’absence de son frère, plongèrent Alec dans la mélancolie. Il soupira et reporta son attention sur son visiteur inattendu et surprenant.  

Celui-ci semblait jeune, aux cheveux roux dressés, droits sur la tête. Il arborait un visage rondouillard à l’expression joyeuse qui laissait augurer que cet individu faisait partie des bons vivants. Il était vêtu simplement d’une tunique beige et d’un casque à peine plus grand que lui, portant sur sa jambe gauche, un couteau à beurre qui devait office de poignard. 

Après cette période d’observation, Alec se reprit et ouvrit de nouveau la bouche : 

« Désolé, je ne t’avais pas vu ! » 

“ T’inquiète, j’ai l’habitude. Je suis là, car je dois t’amener au réfectoire des Dieux, mais tout d’abord, je me présente Arthur !” lui répondit le fier petit personnage qui se  tenait droit devant lui tout en lui adressant un salut militaire. 

 

Alec se retint de rire. Il lui expliqua qu’il avait grand faim et invita Arthur à se joindre à lui pour partager un solide petit déjeuner. Arthur, dans sa grande gourmandise, en oublia presque sa mission première et accepta de bon cœur l’invitation du Gardien.  

Ce qu'Hermès avait oublié de préciser lors de cette fameuse soirée où il avait parlé aux garçons des pygmées, c’est qu’ils étaient tous sans exceptions d’incorrigibles bavards et Arthur ne coupait pas à la règle.  Ce dernier venait de se lancer dans une épopée grandiose concernant les longues années de guerres contre les grues qui avaient mené à la quasi-extinction de leur peuple. C’est pourquoi seulement quelques survivants avaient pu être recueillis en Olympe et servaient aujourd’hui les Dieux en guise de gratitude. Ils étaient principalement attachés à Déméter pendant les semailles, mais surtout à Hestia afin de fournir les ingrédients qui lui était nécessaire pour la confection du  nectar et de l’ambroisie.  

Le repas prit ensemble venait pourtant juste de commencer, mais la logorrhée d’Arthur abasourdissait tellement le Gardien, que celui-ci se leva d’un bon, même si la faim le tenaillait encore  :  

“ Hola ! Mais il est déjà tard ! Et nous sommes là, en train de bavasser alors que nous sommes attendus par les dieux de l’Olympe. Nous sommes totalement inconséquents ! Viens Arthur, ne les faisons pas attendre plus longtemps !” 

Et c’est prestement qu’ils quittèrent la maison en direction du Réfectoire des Dieux... 

Tout au long du chemin, Alec observait avec fascination ce petit être agile qu’était Arthur qui esquivait avec grâce et force amabilité toutes les créatures et personnes croisées, alors qu’aucune d’elles ne s’était rendu compte de sa présence, et ce, sans interrompre son babillage. 

Enfin arrivés au Réfectoire des Dieux, Alec sourit de contentement, pensant être libéré d’Arthur qui avait déclaré que c’était « sa mission du jour ».  

En entrant dans le Réfectoire, il se précipita à la table qu’Hestia semblait avoir spécialement préparé pour lui puisqu’elle regorgeait de tout ce qu’il aimait : du bacon, des œufs, des tartines de beurre, des fruits, mais surtout de l’ambroisie, cette nourriture si divine, si pure qu’elle donne l’immortalité à condition d’en manger un certain de nombre de fois. Il y avait aussi le nectar des dieux qui était d’une couleur pâle, lumineuse, laissant présager un régal à nul autre pareil.  

Attablé, le Gardien se restaurait avidement sans prêter attention à l’insupportable bavardage d’Arthur, certain qu’il ne l’aurait bientôt plus dans les pattes.   

« … tu piocheras dans la boite à mouchoir ! »  

Cette phrase fit sursauter Alec qui se tourna, la bouche comme les mains pleines, vers le pygmée, pour lui demander : 

“Tu viens de dire quoi ?” 

Arthur n’était pas dupe du fait que le Gardien ne lui avait prêté aucune attention depuis leur rencontre puisqu’il en était toujours ainsi avec les autres habitants de l’Olympe. Il n’y a qu’entre pygmées qu’ils se passionnaient d’entendre encore et toujours les histoires et les légendes de leur peuple.  

« Je te disais : Prends ton petit déjeuner tranquillement et dès que tu auras fini, tu piocheras dans la boite à mouchoir que j’ai amené. »  

Alec avait beau regarder sur la table, il ne voyait pas cette fameuse boite. Amusé et avec un sourire goguenard, Arthur sortit de sa minuscule poche, la boite à mouchoir dorée qu’il posa sur la table. Alec était médusé, se demandant comment une si petite poche pouvait contenir une si grande boite, mais surtout que lui cachait-il encore ?   

 

 

Les minutes s’écoulèrent dans un silence pesant qui contrastait avec le vacarme du début de cette journée. Alec était resté immobile, figé dans sa stupéfaction et ses interrogations.  

 Arthur mit fin à cette scène en lançant d’une voix puissante qui contrastait avec sa frêle taille : 

« Qu’est-ce que tu attends ? Le déluge ? » 

 

 

Le Gardien sursauta, surpris comme s’il venait de se prendre une puissante rafale de vent violent émanant du pygmée. Il plongea prestement sa main dans l’ouverture de la boite pour en ressortir un carré de tissu parfumé. Il déplia la précieuse étoffe pour y découvrir brodé en lettres d’or le nom de celle avec qui il allait devoir passer tout le jour. Ses mains tremblaient d’émotions mélangées : de l’appréhension à l’idée de ce face à face prolongé avec celle qui bouleversait tous ses sens et de joie de se délecter de la présence de la sensuelle divinité.  

Arthur trépignait, sautillant et tapotant dans ses mains : « Alors qui est-ce ? »  

“Déméter”, répondit un Alec rouge cramoisi, ce que ne manqua pas de remarquer son facétieux compagnon qui en lui assénant une monumentale tape dans le dos, lui lança un joyeux :   

« Oh, je l’adore ! Allons-y vite ! »  

Tous ces évènements depuis la veille en avaient presque fait oublier au Gardien le pourquoi de ceux-ci, et c’est en passant à côté du Temple, qu’une vague de rage contre lui-même, le submergea : Byron était quasiment sorti de son esprit et il fut envahi de culpabilité par rapport à cela. Arthur ressentit le trouble qui agitait son compagnon et se mit à  agiter ses bras autour de lui. L’air se condensa autour d’eux pour former un épais nuage qui les suivait. Ce phénomène étrange sortit Alec de son marasme émotionnel, au point qu’il s’amusa à tenter de sortir du nuage en courant, en sautant, mais sans aucun succès.  Essoufflé, il s’accroupit et regarda Arthur qui lui était toujours aussi gai puisqu’il continuait de sautiller comme si rien ne s’était passé. Cette constatation provoqua chez le Gardien une crise de fou rire : Comment se faisait-il que cette petite chose soit plus endurante que le valeureux jeune guerrier fougueux qu’il était ? Alors l’épais nuage se dissipa.  

“Tu es magicien ?”, demanda Alec à Arthur qui lui sourit du coin de l’oeil en lui répondant : “Allez, viens nous n’avons pas que ça à faire”.  

Arrivés au Parc Déméter, le ciel ensoleillé mettait en valeur les différents temples présents en Olympe : la forge d’Héphaïstos ; le musée aquatique de Poséidon ; le foyer des Olympiens d’Hestia… Pendant qu’ils traversèrent l’espace vert de la divinité de la fertilité,  ils s’approchèrent d’un jeune homme assis en train de peindre. Ses cheveux bouclés  mis en mouvement par une légère brise et dont les reflets châtain doré, auréolaient un visage d’une beauté parfaite. Alec reconnu Apollon, le dieu des Arts, absorbé par tous les détails, suggérés par la gracieuse de la Dryade qui posait pour lui. La grâce de ce spectacle finit par totalement apaisé le jeune Gardien, et c’est en silence que les deux compagnons s’éloignèrent de cette scène pour ne pas en rompre l’harmonie, afin de se rendre au Temple de la Déesse de l’Agriculture.  

L’approche du Temple de la Déesse était toujours subjugeant. En effet, sous l’effet du soleil, celui-ci semblait chatoyer comme les champs de blés agités par la brise du vent d’été. L’imposant bâtiment était justement entouré de cette plante encore immature dont le vert tendre apportait encore plus de contraste à la flamboyance dorée des pierres.  

Du champ, sortit une petite femme rondelette qui s’approcha d’Alec et d’Arthur avec véhémence.  

 « Arthur ! Tu es parti longtemps ! J’ai cru que...», lança t-elle avec un regard noir accusateur à l’intention du Gardien, qu’Arthur interrompit d’une voix cinglante.  

« Guenièvre, tu sais bien que je devais guider Alec vers le Temple des Dieux et le guider vers la prochaine divinité »  

La pygmée fit le tour d’Arthur pour voir si rien ne lui était arrivé. Ce dernier prit la parole :  

« Alec, je te présente mon épouse Guenièvre. Mon épouse, comment peux-tu douter qu’il me soit arrivé quelque chose alors que je suis depuis le lever du jour en compagnie du Gardien ? Cesses donc tes enfantillages. Alec, j’ai rempli ma tâche et je vais rejoindre les miens. Je te souhaite un bien agréable moment avec la belle Déméter ! »  

Le jeune Gardien ne put s’empêcher de remarquer le ton légèrement persiffleur de son petit compagnon de route, mais surtout son regard insistant qui laissait lourdement sous-entendre qu’Arthur avait parfaitement ressenti les émois qui parcouraient Alec à l’évocation de Déméter. 

Arthur prit par la main Guenièvre et ils s’enfoncèrent dans le champ de blé, laissant Alec seul et dépité devant le Temple.   

Il dut prendre son courage à deux mains pour enfin se décider à entrer dans le Temple. Chaque pas le rapprochant de sa rencontre avec la déesse faisait grandir en lui un mal-être. Il l’aimait, mais il savait que c’était un amour impossible, et cela le torturait. Mais c’était plus fort que lui, car tout son être ne parvenait pas à lui résister. Sa crainte que cette journée en soit rendue interminable, lui donnait la nausée et d’abominables crampes au ventre.

Le Gardien fit tout son possible pour détourner son attention de ce qu’il vivait à l’intérieur de lui en se concentrant sur le vent frais matinal qui transportait le brouhaha qui maintenant lui était familier, des pygmées qui apparemment vivaient tout autour du Temple de la déesse. Il faisait même un effort surhumain pour tenter de saisir des bribes de conversations. 

C’est quasiment dans un état hypnotique qu’Alec se trouva nez à nez avec l’immense porte du Temple de celle qui avait mis tous ses sens en fusion. Il fut pris d’une envie folle de fuir, mais n’en eu pas le temps, les lourdes portes s’étant ouvertes.   

Déméter se tenait face à lui et sa beauté, à peine voilée par sa robe tout en délicate transparence, finit de totalement ramollir le jeune Gardien qui avait perdu toute sa superbe.  

“Entre donc, Grand Benêt ! Je ne vais pas manger. Quoique... Donne-moi plutôt le bras pour que je t’accompagne dans mes appartements.” 

 Chaque temple portait l’empreinte du dieu auquel il était dédié et celui de Déméter n’échappait pas à cette règle. De par la proximité de la déesse avec la nature, l’espace intérieur semblait se fondre avec l’espace extérieur. Tout était simple mais raffiné, tel l’escalier qui s’enroulait telle la coquille d’un escargot, les colonnes taillées comme des troncs d’arbres ou bien les béliers sculptés, troublant de réalisme, encadrant les portes des pièces que le Gardien traversa en suivant le déhanché de Déméter, qui se tourna brusquement, son visage animait par un large sourire sous-entendu puisqu’elle avait fait en sorte que sa démarche ajoute au trouble qu’elle avait déjà ressenti chez le jeune homme dès son entrée dans les lieux. D’une voix sensuelle, elle s’adressa à lui : 

« Nous y voilà, jeune héros. Ta journée d’apprentissage avec moi commence maintenant ! » 

Alors que l’olympienne entrait dans une salle entièrement blanche, des murs au mobilier, Alec restait figé comme si le sol s’était dérobé sous ces pieds. 

“Entre donc, nous n’avons pas que cela à faire ! Sois sans inquiétude, je sais à quoi tu penses très exactement.” Déméter éclata de rire ce qui finit de totalement désarmer Alec, certain qu’elle avait pénétré son inconscient pour y visionner les scènes voluptueuses qu’Alec s’était imaginé à chaque balancement des hanches de la déesse. 

« Oui, je n’ai aucun doute sur ce que tu as imaginé en me suivant : j’ai très largement usé de tes sentiments, ô combien flatteurs pour moi, pour te plonger dans le plus grand des émois. Et c’est là que résidera ta leçon du jour car si tu n’es pas insensible à mes charmes, saches que les Terriennes n’ont rien à m’envier et que cela pourrait causer ta perte.”   

Alec se détendit en poussant un profond soupir de soulagement, alors que Déméter l’invitait à venir s’asseoir avec elle à la grande table qui trônait au centre de cet espace que le Gardien remarqua enfin en raison du contraste de son blanc immaculé avec le reste du Temple. 

« Parmi les Dieux, nombreux sont ceux qui se sont entichés d’une, voire de plusieurs de ces créatures. Il est vrai que nous avons fait les humains à notre image et bien que certains se soient éloignés de leur aspect divin, d’autres et en particulier des femmes, ont conservé une beauté qui pourrait pâlir de jalousie même la belle Aphrodite. Alors même si le Grand Zeus reste toujours subjugué par ces femmes qui lui font perdre jusqu’au sens du juste, Nous, les Dieux et Déesses, nous nous autorisons à avoir quelques inquiétudes concernant ta capacité à ne pas leur succomber, ce qui te détournerai de ton objectif qui est de sauver la vie de ton frère dans les plus brefs délais.” 

 

 

 

 

 

 

 

Bien que Déméter ait prononcé ces mots avec beaucoup de douceur, Alec les reçus en pleine face tel un jet de vitriol : comment pouvait-elle supposer qu’une simple mortelle puisse avoir assez de pouvoir séducteur pour le détourner de sa mission de sauvetage de son frère Byron, alors qu’il était déjà aux quatre cents coups en raison du délai imposé par Zeus avant qu’il puisse enfin agir utilement certain qu’il était, qu’il s’agissait d’une perte de temps inutile et dangereuse à la survie de son jumeau. 

Déméter l’observait avec force attention d’autant que la colère du Gardien se lisait sur son visage à la mâchoire crispée, au regard noir haineux qui contrastait avec l’habituel regard benêt qu’il avait habituellement face à elle, mais aussi ses poings serrés au point d’avoir les jointures blanches. Tout le corps du jeune adolescent tremblait, tel celui d’une proie acculée. 

Ni tenant plus, Alec se mit à hurler : 

“Comment peux-tu dire une chose pareille, toi qui connais mon attachement pour mon frère ?” 

La déesse lui sourit avec une tendresse quasi maternelle : 

“ Mon cher Alec, c’est pour ta loyauté envers celles et ceux auxquels tu es attaché, que je t’aime tant. Toutefois, il est de mon devoir de te mettre en garde car les Terriennes ont su influencer même les Dieux Olympiens les plus puissants, et parmi eux Zeus, c’est te dire. Et pourtant, depuis la nuit des temps, ils connaissent tous sans exceptions la fascination qu’exercent les Mortelles, même sur les dieux les plus aguerris ! Alors, comment toi, jeune Gardien, qui découvre tout juste les joies charnelles, comment toi, pourrais-tu leur résister ? » 

Les paroles de Déméter venaient de faire fondre toute animosité chez Alec. En effet, à chacun de ses mots, il était remonté du tréfond de sa mémoire les histoires qu’Hermès lui avait conté avant de dormir. Il ne pouvait nier que Zeus, Poséidon, Apollo et même Hermès pour ne citer qu’eux, ils avaient tous succomber aux charmes des femmes humaines. Le Gardien ne pouvait que se rendre à l’évidence : Déméter avait raison, d’autant plus qu’il se sentait incapable de résister aux charmes de cette dernière.  

Alec se sentait maintenant totalement abattu car il venait de prendre conscience que bien que vivant en Olympe, il n’avait pas les attributions des divinités. Dans un élan de désespoir, il saisit les mains de la déesse et en la regardant droit dans les yeux avec souffrance, il lui demanda le souffle court :  

 

« Mais comment le misérable être que je suis, va-t-il pouvoir résister aux charmes de ces femmes alors que même les grands Olympiens n'y parviennent pas ? »  

L’Olympienne lui sourit avec douceur, d’autant qu’elle attendait du Gardien cette réaction, signal qu’il venait de comprendre ce à quoi il devait s’attendre. 

« Merci d’avoir pris conscience de mon propos, mon jeune ami. C’est parce que Zeus nous connait parfaitement qu’il m’a demandé de m’occuper de toi concernant ce point ! » 

Alec rougit violemment, comprenant que le dieu des dieux était parfaitement au fait qu’il fricotait avec Déméter. Décidément rien ne lui échappait en son royaume.   

La déesse éclata de rire, devant le désarroi du Gardien, et dans un mouvement dont elle seule pouvait avoir la grâce, elle entraîna le jeune Gardien qui ne lui avait toujours pas lâcher les mains, dans son sillage.  

De déambuler dans les couloirs du Temple de Déméter, permit à Alec de retrouver tant bien que mal, ses esprits. Il put enfin mesurer la beauté des lieux, véritable écrin abritant celle qui bouleversait tous ses sens. Ils arrivèrent dans une salle ouvrant sur l’immensité des champs dans lesquels la colonie des pygmées œuvrait. En s’approchant du mur uniquement fait de cristal et qui permettait de pouvoir profiter de ce spectacle champêtre, Alec reconnu Arthur qui lui faisait des grands signes au milieu de ses compagnons. Le Gardien lui répondit d’un geste de la main, heureux de le revoir.  

Déméter s’était approchée discrètement de lui. Elle enroula ses bras autour du sien et tout en posant sa tête sur son épaule, ce qui émut profondément Alec, elle lui murmura :  

« Ils sont intriguant, n’est-ce pas ? » 

Elle déposa un baiser sur sa joue en ajoutant :  

“Attends-moi ici, je reviens.” 

Alec regarda s’éloigner la déesse. La lumière intense sous l’effet du cristal, semblait avoir dissout son vêtement. Déméter quitta la pièce et Alec se secoua la tête vigoureusement comme pour effacer ces images troublantes de la nudité de l’Olympienne, de son esprit.  

Il s’était à peine passé quelques secondes depuis la sortie de la belle de la pièce, que déjà elle entrait de nouveau, vêtue d’un haut blanc argent ressemblant à un plastron d’armure, sur une longue jupe de lin pourpre, malgré tout, fendue jusqu’en haut de sa cuisse droite.  

Elle était au bras d’une jeune femme rousse à la beauté étrange. Sa chevelure aux boucles serrées était agrémentée d’une couronne de laurier ce qui intensifiait l’intensité de son regard. En effet, ses yeux immenses à l’iris couleur or, semblait irradier d’une lumière surnaturelle.  D’une voix cristalline, elle répondit à la question que Déméter avait posé à Alec :  

“ Oui, les pygmées sont des créatures aussi anciennes que nous, mais est-ce bien sages de les exploiter pour vos services ?”  

Le Gardien fut surpris de constater que Déméter n’avait pas ciller le moins du monde à la pointe assénée par la rouquine. Personne, du moins de ce qu’il en savait, n’osait argumenter une décision olympienne et elle venait de le faire sans vergogne. Mais qui était-elle donc pour que sa parole supplante celle des dieux ?  

Arrivées près de lui, Déméter prit la parole : 

“Je te présente Sophia, déesse de la sagesse et du savoir ! Une des divinités primaires et fort antérieures à nous autres, et pour lesquelles nous vouons un culte des plus respectueux et au service desquelles nous sommes ! ” 

Alec n’avait jamais entendu rien de tel de la bouche de son précepteur, Hermès. Il était totalement décontenancé d’autant plus, que Sophia s’était approchée de lui, arborant un large sourire amical, tout en lui tendant la main pour le saluer. Répondant à son geste, le Gardien ne put que constater la fermeté de cette poignée de main :  

“Enchantée, Alec !” 

“Enchantée, Madame Sophia” Répondit Alec en s’inclinant pour rendre honneur à la divinité grecque. “Oh, je t’en prie, appelle-moi Sophia ! Je n’ai pas envie qu’on me rappelle que je suis une divinité, la sagesse, c'est de savoir que tout le monde est égal !” 

Ce sur quoi Déméter enchérit : 

“Alec, Sophia va m’accompagner tout au long de la journée pour te faire comprendre que les mortelles sont bien plus puissantes que tu ne le crois et ensemble, nous allons te fournir assez d’anecdotes à ce sujet. Mais surtout, dès ce soir, tu auras en ta possession tous les moyens nécessaires pour pouvoir résister aux charmes de ces femmes ! Je voulais avoir Sophia avec moi afin qu’elle puisse te transmettre son savoir et sa sagesse pour pouvoir t’aider dans ta quête et t’éviter d’oublier le pourquoi tu vas descendre sur Terre. Suis-nous.” 

C’est ensemble qu’ils pénétrèrent dans une petite pièce meublée sommairement de deux petites tables faisant face à une plus grande, derrière laquelle le mur portait un tableau noir. Sophia invita Déméter à s’installer à une des petites tables et invita Alec à s’installer à l’autre. Elle contourna la grande table et Alec s’émerveilla car elle semblait se déplacer comme si elle flottait dans l’air. La divinité aux yeux d’or saisit sur la table, une craie :  

“Commençons !” 

Fébrile, Sophia traçait sur le tableau noir tous les noms des personnages divins et humains, concernés par sa transmission. Elle avait sorti d’un sac qu’elle portait en bandoulière, une étrange sphère qu’elle tenait d’Hécate, puissante magicienne parmi les magiciennes. Déméter et Alec s’étaient écriés de surprise lorsque Sophia avait lancé en l’air la boule qui s’était déployée en une surface holographique chatoyante comme les eaux des lacs. Ce qui les surprit encore plus, c’est qu’à chaque histoire contée par Sophia, des images surgissant du passé se manifestaient dans cet objet magique, rendant encore plus intense les récits. 

C’est donc dans une ambiance studieuse que Sophia transmis à ses deux élèves fascinés et attentifs, les déboires amoureux des Dieux sur Terre, en commençant par Zeus en personne. Son appétence pour les humaines lui conférait une imagination quasi démoniaque pour parvenir à ses fins. Une de ses manœuvres favorites était de prendre la forme d’animaux divers, comme le cygne ou encore le bœuf, afin de séduire celles sur lesquelles il avait jeté son dévolu. C’est ainsi que le Dieu des Dieux Olympiens était pourvu d’une longue descendance de demi-dieux.  

Alcmène lui avait donné pour fils le plus grand des héros Grecs, Héraclès, renommé pour ses douze travaux  

  1. Mettre fin aux jours du lion de Némée à mains nues.  
  1. Tuer l’hydre de Lerne, serpent monstrueux à plusieurs têtes.  
  1. Réussir à capturer la biche de Cérynie, consacrée à Artémis.  
  1. Capturer le sanglier du mont Érymanthe.  
  1. Nettoyer les écuries d’Augias qui n’avaient pas été nettoyer depuis l’Antiquité Grecque en un seul jour.  
  1. Nettoyer le lac Stymphale des oiseaux métalliques qui terrorisaient les personnes autour. 
  1. Capturer le taureau gigantesque crétois, un don de Poséidon qui était devenu fou.  
  1. Voler les juments de Diomède qui les nourrissaient avec de la chair humaine.  
  1. Voler et rapporter sur l’Olympe la fameuse ceinture magique de l’Amazone Hippolyte. 
  1. Capturer les bœufs de Géryon, un Géant à trois corps vivants.  
  1. Voler les pommes d’or du jardin des Hespérides qui étaient gardés par un dragon immortel.  
  1. Capturer Cerbère, le chien à 3 têtes, qui garde les Enfers. 

Danaé n’en était pas moins méritante en ayant mis au monde Persée qui triompha de la terrifiante gorgone Médusa. 

Au milieu des frasques incalculables du dieu, ce qui n’avait pas manqué de rendre folle de rage son épouse Héra envers lui, c’est l’histoire de Sémélé qui marqua le plus Alec. Cette dernière eut l’impudence de se vanter de qui voulait bien l’entendre qu’elle était la maitresse de Zeus, ce qui attisa le feu du courroux d’Héra qui se transmutât en la servante de cette humaine afin de prendre sur le fait son époux qui avait l’outrecuidance de lui jurer depuis des millénaires qu’il lui avait toujours été fidèle. C’est en espionnant les deux tourtereaux qu’elle put entendre Zeus jurer à Sémélé que son amour pour elle était tel, que quoi qu’il lui demande, il accepterait tout en le jurant sur le Styx, le fleuve de l’Enfer, royaume de son frère Hadès. Tenant là le moyen de sa vengeance, Héra attendit patiemment que l’infidèle s’en retourne en Olympe pour instiller dans l’esprit de Sémélé, que si Zeus l’aimait au point qu’il le déclarait, comment se faisait-il qu’il ne s’était jamais montré à elle sous sa véritable forme. C’est ainsi que le doute germa dans l’esprit de l’humaine qui au retour du dieu près d’elle, s’empressa d’exiger de lui de se montrer sous sa forme olympienne. Les Dieux n’ayant qu’une parole, c’est la mort dans l’âme qu’il s’exécuta sachant pertinemment que son éclat divin allait réduire en cendres, celle qui l’avait aimé plus que nulle autre jusqu’ici. Agenouillé auprès de ce qu’il restait de Sémélé, secoué de sanglots qui en faisaient trembler la terre, c’est terrassé par la douleur de la perte de son amour que le dieu poussa un hurlement de douleur qui dispersa les cendres de Sémélé aux quatre coins de l’horizon, laissant place à un nourrisson dont la croissance n’était pas encore à son terme. Son amour était parti en lui laissant le plus beau des cadeaux : un enfant. Zeus le prit contre son cœur et lui jura en son for intérieur qu’il le protégerai coûte que coûte d’Héra. C’est alors que le dieu eut la vision de vignes luxuriantes et que dans un souffle il grava sur le front de l’enfant, tel un talisman, son prénom : Dionysos. Zeus s’empara de son poignard, et s’ouvrit la cuisse pour y glisser ce qui était encore du futur dieu, un fœtus, puis cautérisa la plaie au feu de son éclair.  

La place que Dionysos occupait à ce jour au sein du panthéon olympien, attestait que bien étant un époux volage, Zeus s’avérait être un père dévoué et aimant.  

L’intégralité de la matinée avait été consacrée au Dieu des Dieux de l’Olympe. Il s’en suivi une rapide collation faite de fruits, avant que Sophia ne reprenne ses récits. Cette fois, elle accentua son propos sur le fait que les Dieux n’étaient pas faibles face aux charmes des mortelles, mais que le problème venait d’elles.  

Toutes et tous avaient succombés aux charmes des humains, puisque les hommes de la Terre engendrait une forte attraction auprès des déesses, ce qui fit sursauter Alec qui immédiatement tourna un regard interrogatif vers Déméter, qui ne put lui répondre que par une moue gênée et un haussement d’épaules. Sophia comprit très vite dans cette scène ce qui se tramait entre ses deux élèves. La sagesse n’empêchant pas la facétie, elle s’attarda avec force détail sur cette incartade charnelle de Déméter avec le beau Iasion. Les images défilaient sur l’écran de l’objet magique déployé par Sophia, et l’intensité des étreintes des deux amants fit grandir une jalousie intense que le visage du jeune Gardien ne parvenait pas à masquer, ce qui ne déplaisait pas à Déméter.  

Sophia fit ensuite rapidement le tour des autres divinités Olympiennes pour enfin terminer par le seul qui avait toujours su résister : Hadès, le seigneur des ténèbres, époux fidèle de Perséphone, fille de Déméter. Ce point rendait auprès de cette dernière, le personnage encore plus détestable. Non seulement, il la privait de la présence de sa fille, mais surtout, il était irréprochable et d’une droiture exemplaire, empêchant ainsi Déméter de mettre au point un subterfuge qui permettrait de rompre le serment de Perséphone.  

Alec, de part ce dernier exposé, venait de comprendre quelque chose d’essentiel : seul un engagement fort envers un autre être basé sur l’amour, puisqu’il était connu de fait dans tout l’Olympe, qu’Hadès vouait un amour inconditionnel pour Perséphone depuis son premier souffle de vie. Il exprima le fruit de sa réflexion à Sophia qui le félicita chaleureusement d’avoir de lui-même comprit la leçon.  

Malgré tout, même si son amour pour son jumeau lui semblait jusqu’ici la chose la plus puissante qui soit, sa crise de jalousie envers Déméter, venait de faire germer le doute en lui, ce qu’il exprima auprès de Sophia qui lui répondit : 

“ Avec Déméter, nous avons déjà envisagé une solution à ce qui va immanquablement t’arriver. Tu n’es pas un dieu, je te le rappelle et de par ton jeune âge, ta chair est faible et ton niveau de résistance à ses appels quasiment nul”, ce qu’elle fit suivre d’un éclat de rire en raison de l’expression déconfite et vexée d’Alec. Déméter avait d’ailleurs du mal à se contenir d’accompagner Sophia dans son fou rire, ne voulant pas s’attiser les foudres de son jeune et divertissant amant.  

Sophia reprit : “Maintenant que tout est dit pour ma part, je retourne dans mon éon, auprès de la source de tout.”   

Elle replia la sphère magique d’Hécate pour la remettre dans son sac et avant de quitter la pièce au bras de Déméter, elle se retourna pour lancer à Alec : “ Jeune Gardien, je te bénis de ma protection et de ma sagesse afin que tu accomplisses ta mission. Nous aurons l’occasion de nous revoir.” 

Alec qui s’était levé s’inclina avec respect et humilité face à Sophia, qui se retourna et quitta la pièce.  

Il venait à peine de s’écouler quelques secondes, que déjà Déméter réapparaissait dans l’embrasure de la porte, de nouveau vêtue tel qu’elle avait accueilli le matin même. Alec s’exclama :  
“En plus d’être déesse, es-tu aussi magicienne ?”, ce qui fit rire Déméter, qui lui répondit : “ Mais c’est parce que je suis déesse, que je suis magicienne !”  
 
Dans sa main, elle tenait un objet singulier : un torque d’ébène orné de grains mystérieux. Elle s’approcha d’Alec et lui en orna le cou, en lui expliquant :  

« Sophia m’a aidé à créer ce bijou spécialement pour toi. C’est un talisman qui t’aidera à résister aux charmes des mortelles. J’en avais façonné un semblable pour Ulysse, alors que cette fois-ci, j’ai utilisé mes propres effluves intimes au lieu de celle de Pénélope. C’est ce qui lui a permis de retourner auprès de sa reine. » 

Déméter lui sourit et lui confia : 

“Peu de personnes font attention à nous deux sur l’Olympe, trop obnubilés qu’ils sont tous par leur nombril. Tu peux porter ce torque en toute sécurité, car personne ne va le remarquer ”, lui dit-elle avec un clin d’œil mutin. 

Alec baissa légèrement les yeux, prit la main de Déméter pour y déposer un tendre baiser. C’est alors qu’il ressentit une chaleur douce se propager depuis sa poitrine dans tous son corps tel une onde bienveillante. Puis un frisson le traversa, suivi d’une étrange sensation de lucidité, comme si sa perception venait de s’aiguiser. 

Le parfum de Déméter, à la fois sucré et végétal, effleura ses narines. C’était comme si la nature elle-même venait de chuchoter à son

oreille. Il releva les yeux vers la déesse, surpris. 

L’Olympienne arborait un sourire satisfait : la magie opérait au-delà de ses espérances.  

L’Olympienne passa à côté d’Alec et lui donna une petite tape sur les fesses, suivie d’un clin d’œil complice. Le Gardien fut aussitôt gêné par l’aisance avec laquelle Déméter se permettait cette familiarité, car après tout, elle faisait tout de même partie des Douze Olympiens… Mais étonnamment, il se sentit prit d’un élan qu’il ne se connaissait pas : il se mit à courir en riant après la déesse qui se prêta à son jeu, en parcourant les diverses pièces du Temple en direction de la sortie. C’est d’ailleurs auprès de la porte magistrale que Déméter se laissa cueillir par les bras vigoureux d’Alec, avec qui elle échangea un baiser passionné. Le repoussant doucement, elle lui signifia que la journée avait été longue puisque la


regis NOUGUEREDE

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